Vague bleue en vue au 2nd tour, le FN veut transformer l'essai

La gauche garde l'espoir de limiter les dégâts au second tour des élections municipales dimanche, mais le désaveu infligé à la majorité devrait tourner à l'avantage de la droite et du Front national, en position de conquérir plusieurs villes. /Photo prise le 23 mars 2014/REUTERS/Robert Pratta

par Sophie Louet PARIS (Reuters) - La gauche garde l'espoir de limiter les dégâts au second tour des élections municipales dimanche, mais le désaveu infligé à la majorité devrait tourner à l'avantage de la droite et du Front national, en position de conquérir plusieurs villes. L'exécutif, d'abord dans le déni, assure avoir entendu "l'avertissement" des électeurs, dont 16 millions n'ont pas voté au premier tour, et promet d'oeuvrer au redressement du pays plus vite, plus fort, "avec plus de cohérence et de justice". Au moment où le chômage enregistre une nouvelle hausse en France, un remaniement gouvernemental pourrait marquer le premier acte de l'après-municipales, un scrutin qui a agrégé les déçus du "hollandisme". Ce "carton jaune", l'UMP, renaissante selon son président Jean-François Copé, entend le transformer en "carton rouge". Sur le papier, les conditions sont réunies pour que le premier parti d'opposition et ses alliés centristes, qui se gardent de tout triomphalisme, signent une victoire à même de lancer "la reconquête" jusqu'à la présidentielle de 2017. Un succès, synonyme de grands électeurs pour les sénatoriales de septembre (178 sièges à renouveler), pourrait lui assurer en outre le pouvoir à la haute assemblée. "Il ne faudra pas tirer d'un bon résultat la conclusion que les Français plébiscitent dès à présent le projet de l'UMP", prévient toutefois dans Le Figaro François Fillon, une mise en garde annonciatrice de la guerre de positions qui attend la droite en vue de la présidentielle. La droite s'est fixé pour objectif de renverser le rapport de forces dans les quelque 1.100 communes de plus de 9.000 habitants contrôlées jusqu'à présent à 54,5% par la gauche. Elle devrait réussir son pari, voire le pulvériser : elle a déjà pris 29 villes à la gauche, une cinquantaine lui serait nécessaire pour compléter l'équation alors qu'une centaine, selon les analyses, pourrait lui échoir. LA FN EN QUÊTE DE NOUVELLES VICTOIRES L'issue du scrutin s'annonce très serrée dans plusieurs grandes villes tenues par la gauche, comme à Strasbourg, Metz, Toulouse, Saint-Étienne, Reims, Caen ou encore Amiens. A Marseille, le sénateur-maire sortant UMP Jean-Claude Gaudin est assuré, sauf coup de théâtre, d'un quatrième mandat après le revers de Patrick Mennucci, symbole de la débâcle socialiste, arrivé troisième derrière le candidat FN. A Paris, la probabilité de victoire de Nathalie Kosciusko-Morizet est faible, bien qu'elle ait devancé sa rivale socialiste Anne Hidalgo au premier tour, car la gauche reste majoritaire en voix et en mesure de conserver les arrondissements-clés. La gauche a oeuvré entre les deux tours, parfois avec des accrocs, au rassemblement avec communistes et écologistes et multiplié les appels au "ressaisissement" à l'adresse de ses électeurs, qui se sont massivement abstenus au premier tour ou se sont détournés vers le vote FN. Les perspectives de conquête sont maigres : Avignon, Bourges, Bayonne, notamment. Au-delà de la mobilisation, la question du report des voix du Front national sera déterminante, entre "front républicain" - défendu sans succès par le PS - et stratégie du "ni ni" (ni Front national ni Front républicain) à l'UMP. "Le FN est plus que jamais l'arbitre du second tour entre le PS et l'UMP", résume Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop. Le second tour est marqué par une inflation de listes due à la poussée du FN : 986 triangulaires et 207 quadrangulaires, traditionnellement favorables à la gauche, et 16 pentagulaires auront lieu dans des communes de plus 1.000 habitants. Après avoir déjà fait élire 486 conseillers municipaux au premier tour, le FN, qui se maintient dans 329 villes, devrait atteindre aisément son objectif de dépasser les 1.000 élus. Ses scores dans certaines villes "laissent potentiellement augurer des victoires" à Béziers, Saint-Gilles, Cogolin ou Fréjus par exemple, selon l'Ifop. Le FN caresse le même espoir à Brignoles, Forbach, Hayange, Villers-Cotterêts ou Beaucaire. "Le FN-Rassemblement Bleu Marine est devenu une force de rassemblement de tous les Français", affirme Marine Le Pen, qui parle d'un "effet boule de neige" bouleversant la scène politique française. (Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse)