Un rapport de l'Onu met en cause l'armée de RDC et le M23

par Louis Charbonneau et Michelle Nichols NATIONS UNIES (Reuters) - Les rebelles du M23 continuent de recruter au Rwanda malgré leur défaite dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) tandis que les forces armées congolaises se sont rendues coupables d'atteintes aux droits de l'homme, est-il écrit dans un rapport confidentiel des Nations unies. "Le groupe (d'experts) a établi que le M23 a reçu un soutien continu en provenance du territoire rwandais", écrit le groupe d'experts de l'Onu dans la version définitive de son rapport, consulté lundi par Reuters, destiné au comité des sanctions du Conseil de sécurité de l'Onu. "Le groupe a reçu des informations crédibles qui montrent que les dirigeants du M23 sont libres de leurs mouvements en Ouganda et que le M23 a continué de recruter au Rwanda", ajoute-t-il. Cette commission indépendante d'experts accuse en outre les groupes rebelles et les forces armées de RDC (FARDC) de diverses atteintes aux droits de l'homme, dont enrôlement d'enfants soldats, exécutions sommaires et violences sexuelles. Elle les accuse aussi d'exploitation illégale des ressources minières de l'est de la RDC, où une multitude de groupes rebelles ont pris les armes depuis les années 1990 pour tenter de prendre le contrôle des gisements d'or, de diamants, de cuivre, de cobalt et d'uranium de la région. Ces violences alimentées par des rivalités ethniques et accompagnées par leurs cortèges de maladies et de famines ont fait des millions de morts. Les experts de l'Onu estiment que 98% de l'or extrait des mines de RDC en 2013 a été passé en contrebande à l'extérieur du pays et vendu dans sa quasi-totalité à partir de l'Ouganda. Ils estiment la valeur de ce trafic entre 383 millions et 409 millions de dollars. TIRS DE CHARS RWANDAIS Les experts de l'Onu ont accusé à plusieurs reprises le Rwanda voisin d'appuyer la rébellion du M23, la plus importante de la décennie écoulée en RDC, ce que le gouvernement de Kigali dément vigoureusement. La représentation du Rwanda à l'Onu n'a pas réagi dans l'immédiat au rapport des experts de l'Onu mais un diplomate rwandais a déclaré à Reuters: "Nous sommes fatigués par ces accusations, toujours les mêmes." Un porte-parole de la mission ougandaise aux Nations unies a dit ne pas être en mesure de réagir à un rapport n'ayant pas encore été officiellement présenté. Les diplomates congolais n'étaient pas joignables dans l'immédiat. Les forces armées de RDC, appuyée par une brigade d'intervention de l'Onu, ont accumulé au début de l'automne les succès militaires contre les combattants du M23, essentiellement tutsis, qui ont proclamé le 5 novembre la fin de leur rébellion. Un accord de paix a été signé jeudi. "La forme la plus constante de soutien passait par le recrutement et la fourniture d'armes et de munitions, particulièrement dans les périodes de combats", écrivent les experts de l'Onu dans leur rapport de 48 pages daté du 12 décembre. "Le M23 a également reçu des renforts de troupes directs de la part de soldats rwandais en août", poursuivent les auteurs. "Durant les combats d'octobre, des chars rwandais ont tiré en RDC pour appuyer le M23." Le Rwanda est intervenu à plusieurs reprises en RDC pour traquer les miliciens hutus jugés responsables du génocide de 800.000 Tutsis et Hutus modérés en 1994 sur son territoire. NOUVELLE MENACE Le gouvernement de Kigali accuse l'armée congolaise de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ce que Kinshasa dément. D'après l'Onu, environ un tiers des effectifs des FDLR sont des Hutus ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994. "Au cours de l'année 2012, le groupe a mis en évidence des cas de collaboration au niveau local entre les FDLR et les FARDC", écrivent les experts de l'Onu. Dans leur rapport, ils font état de "violations graves du droit humanitaire international, notamment l'enrôlement et l'utilisation d'enfants soldats, des exécutions sommaires, des violences sexuelles et des attaques ciblées contre la population civile". "Si les groupes armés ont commis nombre de ces crimes, le groupe a aussi identifié les FARDC comme parties prenantes de nombreuses violations", est-il écrit dans le rapport. "Les forces de sécurité gouvernementales, en particulier les FARDC, demeurent une source importante de violences sexuelles, en particulier contre les mineurs." Les experts de l'Onu soulignent que la défaite du M23 a constitué un signal fort pour les autres groupes armés de l'est de la RDC, dont plusieurs ont commencé à se rendre ou ont demandé à être intégrés à l'armée et à la police. Ils identifient cependant une autre menace, celle des Forces démocratiques alliées (ADF). Ce mouvement islamiste a manifestement entrepris de constituer des réserves de médicaments et d'équipements médicaux en attaquant des installations sanitaires, ce qui, pour les experts de l'Onu, signifie qu'il se prépare à un assaut de la brigade d'intervention de l'Onu ou qu'il s'apprête à lancer sa propre offensive. Dans leur rapport, les experts disent n'avoir établi aucun lien entre les ADF et les Chabaab somaliens ou Al Qaïda. Louis Charbonneau et Michelle Nichols; Bertrand Boucey pour le service français