Le Sénat russe approuve l'envoi de troupes en Crimée

Militaires russes dans la ville de Balaclava, en Crimée. La Chambre haute du parlement russe, le Conseil de la Fédération, a approuvé samedi le déploiement de forces armées dans la région ukrainienne de Crimée, en réponse à une demande du président Vladimir Poutine. /Photo prise le 1er mars 2014/REUTERS/Baz Ratner

par Alessandra Prentice et Pavel Polityuk KIEV/SIMFEROPOL (Reuters) - La Chambre haute du parlement russe, le Conseil de la Fédération, a approuvé samedi le déploiement de forces armées dans la région ukrainienne de Crimée, en réponse à une demande du président Vladimir Poutine. Les élus ont voté à une très large majorité la décision de recourir aux "forces armées de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine jusqu'à la normalisation de la situation socio-politique dans ce pays". Le Conseil de la Fédération a précisé que la décision pouvait être immédiatement appliquée, mais Grigori Karasine, vice-ministre des Affaires étrangères, a déclaré que son adoption ne signifiait pas "forcément" qu'elle serait rapidement mise en pratique. Kiev avait auparavant accusé Moscou d'avoir déjà envoyé 6.000 militaires en Crimée, région où l'ethnie russe est majoritaire, et le gouvernement a placé des vaisseaux de la garde-côtes en état d'alerte, afin d'empêcher la capture de bases militaires et de bâtiments de la marine. Le gouvernement de Kiev a rapporté que Moscou refusait la tenue d'un dialogue destiné à préserver l'intégrité territoriale de l'Ukraine, et a déclaré illégale la récente nomination de Serguiï Aksionov, une personnalité favorable à la Russie, comme Premier ministre de Crimée. Alors que Serguiï Aksionov a de son côté demandé au président russe Vladimir Poutine de "l'aider à assurer la paix et le calme", l'aéroport international de Simféropol, capitale régionale de Crimée, a annoncé la fermeture de l'espace aérien régional et la suspension provisoire de tous les vols au départ ou à l'arrivée de la ville. En outre, des sources militaires ukrainiennes déclarent que des soldats russes contrôlent des aérodromes militaires à Belbek, près de Sébastopol, et à Kirovskoye, dans l'est de la Crimée. Les transports ferroviaires et routiers fonctionnent normalement entre la Crimée et le reste de l'Ukraine, mais les principaux axes maritimes et aériens semblent contrôlés par la Russie, qui dispose d'une flotte dans cette région, dans le port de Sébastopol. BERLIN VEUT DES EXPLICATIONS Selon des télévisions russes, la chambre haute a en outre demandé à Vladimir Poutine de rappeler à Moscou l'ambassadeur de Russie aux Etats-Unis, alors que Barack Obama avait mis Moscou en garde vendredi soir sur les "coûts" de toute intervention militaire en Ukraine. Les propos du président américain peuvent laisser penser que Washington et les chefs d'Etats et de gouvernement européens pourraient pratiquer la politique de la chaise vide au sommet du G8 prévu cet été à Sotchi. En Europe, l'Allemagne a demandé à Moscou de faire part de ses intentions au sujet de ses troupes basées en Crimée, la France a fait part de ses vives préoccupations, et le Royaume-Uni a lancé un appel au calme. Dans le camp russe, Moscou a attribué les désordres en Crimée à des "cercles politiques influents" et a accusé "des hommes non identifiés envoyés de Kiev" d'avoir cherché à s'emparer du ministère régional de l'Intérieur. Alors que l'ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch, est réapparu en public dans la journée de vendredi et a exhorté la Russie à utiliser tous les moyens à sa disposition pour faire cesser le chaos en Ukraine, son successeur, Oleksander Tourtchinov, a accusé Moscou d'agression. Il a estimé que Moscou entendait rejouer en Crimée le scénario qui a conduit au conflit armé de 2008 avec la Géorgie concernant les régions sécessionnistes pro-russes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Après l'intervention des forces géorgiennes contre des séparatistes ossètes en août 2008, les forces russes avaient mené une offensive de cinq jours pour les repousser, puis Moscou avait reconnu l'indépendance autoproclamée de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Sur le plan économique, Oleksander Chlapak, ministre des Finances a jugé improbable que Kiev reçoive avant avril une aide du Fonds monétaire international (FMI) à qui le gouvernement a demandé au moins 15 milliards de dollars (11 milliards d'euros). Le groupe russe Gazprom a déclaré que l'Ukraine pourrait bien perdre la remise dont elle bénéficie depuis décembre sur le prix du gaz qu'elle importe de Russie en raison de ses factures impayées. L'argument a été repris également par un responsable du ministère russe de l'Energie. (Avec Timothy Heritage; Jean-Philippe Lefief, Danielle Rouquié et Julien Dury pour le service français)