Nelson Mandela, disparition d'un géant politique

Nelson Mandela, ancien président de l'Afrique du Sud et symbole de la lutte contre l'apartheid, est décédé jeudi soir à son domicile laissant le souvenir d'un géant politique dont le courage et l'influence ont été salués par les dirigeants de la communauté internationale. /Photo d'archives/REUTERS/Juda Ngwenya

par Ed Cropley et Pascal Fletcher JOHANNESBURG (Reuters) - Nelson Mandela, ancien président de l'Afrique du Sud et symbole de la lutte contre l'apartheid, est décédé jeudi soir à son domicile laissant le souvenir d'un géant politique dont le courage et l'influence ont été salués par les dirigeants de la communauté internationale. Mandela s'est éteint à l'âge de 95 ans, après avoir été soigné pendant plusieurs mois cette année pour une infection pulmonaire récurrente, résultat de ses 27 années d'internement, notamment dans la colonie pénitentiaire de Robben Island, près du Cap. Si l'état de santé du lauréat du prix Nobel de la paix 1993 demeurait fragile depuis sa sortie de l'hôpital et son retour chez lui, l'annonce de sa mort par le président Jacob Zuma a été ressentie comme un choc en Afrique du Sud et dans le reste du monde. Dès l'annonce faite par Zuma, les réactions ont commencé à affluer pour saluer le "courage" et "l'influence" de l'ancien opposant devenue l'icône de la lutte contre l'injustice et pour la réconciliation raciale. Le président américain Barack Obama a jugé que "le monde avait perdu l'un des êtres humains les plus influents et les plus courageux et les plus sincèrement bons. (...) Il a accompli plus que l'on pouvait attendre d'un homme". Le Premier ministre britannique David Cameron a parlé de "héros de notre temps" et a regretté qu'une "grande lumière se soit éteinte dans le monde". Le président français, François Hollande, a rendu hommage à "un résistant exceptionnel et un conquérant magnifique" dont le message "continuera d'inspirer les combattants de la liberté et de donner confiance aux peuples dans la défense des causes justes et des droits universels". S'exprimant le visage grave à la télévision, Jacob Zuma a précisé que Nelson Mandela sera honoré par des funérailles nationales et a ordonné que tous les drapeaux du pays soient mis en berne. Le Conseil de sécurité des Nations unies se trouvait en session lors de l'annonce du décès et les ambassadeurs ont interrompu leurs travaux pour observer une minute de silence. "Nelson Mandela a montré ce qui était possible pour notre monde et en chacun de nous si nous croyions, nous rêvions et nous travaillions ensemble à la justice et à l'humanité", a dit Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. UN MODELE POUR OBAMA Premier président noir des Etats-Unis, Barack Obama a tenu à rappeler quelle influence Nelson Mandela avait joué dans sa vie, admettant "avoir appris de lui". Originaire d'un milieu rural, Nelson Mandela fut l'un des premiers partisans de la résistance armée à l'apartheid en 1960, un combat qui est devenu un symbole de la seconde moitié du XXe siècle dans les pays émergents. Lorsque le régime blanc conduit par le président Frederik de Klerk dut céder le pouvoir, Mandela fut le premier à prôner la réconciliation et le pardon des noirs en faveur de la minorité blanche. Madiba, le surnom de Nelson Rolihlahla Mandela, devenait chef de l'Etat sud-africain après la victoire de l'ANC aux élections de 1994 avant de se retirer de la politique cinq ans plus tard. "Il était un grand unificateur et un homme très très spécial de ce point de vue au-delà de tout ce qu'il a pu accomplir", a commenté Frederik de Klerk dans un entretien à CNN. Le dernier président blanc de l'Afrique du Sud et son adversaire le plus déterminé partagèrent en 1993 le prix Nobel de la paix. De Klerk avait ordonné la libération de Mandela en 1990 et avait négocié avec lui la fin du régime de l'apartheid. Mandela fut pour lui un homme "humain" et "compatissant" qui avait su comprendre la peur des Blancs face à la perspective d'une transition démocratique. Qualifié de "colosse, de modèle d'humilité, d'équité, de justice, de paix et d'espoir" par le Congrès national africain, Mandela se vit confronter à la tâche immense de bâtir une nouvelle nation à son arrivée à la tête de l'Etat. UNE EXEMPLE UNIQUE Il prit les rênes d'un pays profondément divisé, vivant sur l'héritage de plusieurs décennies de racisme institutionnel et il fit de la réconciliation le thème central de l'unique mandat qu'il servit. Il créa une Commission de la vérité et de la réconciliation qui fut chargée de panser les blessures ouvertes d'un pays en proie à la violence, offrant un modèle pour les autres nations traversées par des conflits civils. En 1999, il céda le pouvoir à des dirigeants plus jeunes et mieux rompus que lui aux réalités de la gestion économique, se révélant encore une fois un exemple: il fut l'un des rares dirigeants africains à quitter ses fonctions de sa propre volonté. Sa dernière grande apparition sur la scène mondiale fut en 2010 lorsqu'il assista à la Coupe du monde de football dans son pays après avoir suivi la victoire des Springboks lors de la Coupe du monde de rugby en 1995. Dans le stade de Soweto, Mandela reçut une ovation de la part de 90.000 spectateurs présents, témoignage de l'immense popularité dont il continuait de bénéficier malgré son éloignement des affaires publiques. Signe de cette reconnaissance, la Fifa a ordonné que tous les drapeaux des 209 nations membres de la Fédération soient mis en berne avant les prochains matches internationaux au cours desquels sera observée une minute de silence. "Nelson Mandela restera toujours dans nos coeurs", a dit Sepp Blatter, le président de la Fifa. Pierre Sérisier pour le service français