Mort du rabbin Ovadia Yossef, figure séfarade en Israël

Une marée humaine de plus d'un demi-million de personnes a assisté lundi aux obsèques de l'ancien grand rabbin séfarade d'Israël et fondateur du parti orthodoxe Shass dans les années 1980, décédé dans la journée à l'âge de 93 ans. /Photo prise le 7 octobre 2013/REUTERS/Ronen Zvulun

JERUSALEM (Reuters) - Une marée humaine de plus d'un demi-million de personnes a assisté lundi aux obsèques de l'ancien grand rabbin séfarade d'Israël et fondateur du parti orthodoxe Shass dans les années 1980, décédé dans la journée à l'âge de 93 ans. Ovadia Yossef, qui était né en Irak et était arrivé à l'âge de quatre ans à Jérusalem, avait donné à la communauté séfarade issue du Moyen-Orient, longtemps marginalisée en Israël, un rôle politique central par la création du Shass. Le soutien de cette formation a maintenu au pouvoir plusieurs gouvernements, surtout de droite mais aussi de gauche. "Le peuple d'Israël a perdu l'une des personnes les plus sages de sa génération", a déclaré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. "Le rabbin était un mentor pour des dizaines de milliers de gens." Des veillées de prière avaient lieu depuis un mois pour son rétablissement, et son inhumation a réuni la foule en deuil la plus importante de toute l'histoire de la Ville sainte, de l'aveu du responsable de la police de Jérusalem. Certaines rues ont ainsi été envahies par des cohortes d'hommes en manteaux et chapeaux noirs, l'uniforme des juifs ultra-orthodoxes. Les adversaires d'Ovadia Yossef le surnommaient "l'ayatollah israélien" en raison de déclarations sur les Palestiniens, comparés à des serpents, et sur les non-juifs, dont le rôle premier était selon lui d'être au service des juifs. "Abou Mazen (nom de guerre du président palestinien Mahmoud Abbas) et toutes ces mauvaises personnes doivent périr et quitter ce monde", disait-il dans un sermon datant de 2010. "Dieu doit les frapper d'une malédiction, eux et ces Palestiniens." Les positions d'Ovadia Yossef sur la question palestinienne étaient cependant complexes. Il considérait les territoires conquis en 1967 par l'Etat hébreu comme une part de la Terre d'Israël décrite dans la Bible, mais jugeait aussi acceptable d'en céder une partie pour éviter des violences. Il avait en outre attiré les critiques du camp israélien en laissant entendre que les six millions de juifs tués par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale étaient morts car ils possédaient les âmes réincarnées d'anciens pêcheurs. Malgré ces polémiques, Ovadia Yossef conservait un fort ascendant moral sur la communauté orthodoxe séfarade, dont une grande part a retrouvé grâce à lui une certaine fierté face aux élites ashkénazes. Lundi, devant son domicile, des séminaristes juifs en pleurs ont déchiré au rasoir leur chemise blanche, en signe de deuil. "Comment le monde survivra-t-il sans soleil ?", se demandait Arye Deri, un élu du Shass. "Comment le monde survivra-t-il à la Lune ? Qu'allons-nous devenir ? Qui nous conduira ? Qui prendra sa place ?" Jeffrey Heller; Julien Dury et Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Tangi Salaün