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L'UE veut avancer vite vers l'indépendance énergétique

Le sommet européen de Bruxelles la semaine prochaine devrait appeler à des efforts accrus pour réduire la dépendance des pays de l'Union européenne aux importations de gaz, à commencer par le gaz russe, selon un projet de déclaration que Reuters a pu consulter. /Photo prise le 21 mai 2013/REUTERS/Gleb Garanich

par Barbara Lewis BRUXELLES (Reuters) - Le sommet européen de Bruxelles la semaine prochaine devrait appeler à des efforts accrus pour réduire la dépendance des pays de l'Union européenne aux importations de gaz, à commencer par le gaz russe, selon un projet de déclaration que Reuters a pu consulter. "Le Conseil européen est préoccupé par les hauts niveaux de dépendance énergétique de l'Europe, notamment dans le gaz, et appelle à une intensification des efforts visant à les réduire, notamment de la part des Etats membres les plus dépendants", peut-on lire dans ce projet préparé avant le sommet des 20 et 21 mars. La Russie est le premier fournisseur de gaz de l'Europe, alimentant environ le quart de la demande en Europe occidentale, et certains pays de l'Union, comme la Bulgarie, dépendent presque entièrement des exportations russes pour leur approvisionnement. "L'Europe doit diversifier davantage ses sources d'énergie, continuer de développer les sources d'énergie renouvelables et domestiques et coordonner le développement de l'infrastructure nécessaire au soutien de cette diversification", poursuit le texte. Cette mention de la dépendance énergétique ne figurait pas dans une précédente version du texte, diffusée avant que les forces russes ne prennent début mars le contrôle de la Crimée, plaçant Moscou et le bloc communautaire en opposition frontale. Or, parce qu'une large part du gaz russe importé par les Européens transite par l'Ukraine, et parce que l'Ukraine elle même, en conflit direct avec Moscou, a du mal à acquitter la facture de ses propres importations de gaz russe, la situation pourrait déboucher sur une nouvelle "guerre du gaz" à l'image de ce qui s'est produit lors des hivers 2006 et 2009. Ces précédents épisodes de tension avaient déjà incité les dirigeants européens à chercher d'autres sources d'approvisionnement. L'affaire de Crimée agit désormais comme un accélérateur. Reste à s'accorder sur les priorités. GAZ DE SCHISTE, RENOUVELABLES ET GAZODUCS Londres et Varsovie réclament le développement de l'exploitation des gaz de schiste et de l'énergie nucléaire. Connie Hedegaard, la commissaire européenne au Climat, estime pour sa part que la crise en Ukraine souligne la nécessité de passer aux sources d'énergie renouvelables. Son collègue chargé de l'Energie à Bruxelles, l'Allemand Günther Oettinger, veut accélérer la mise en oeuvre d'un marché unique de l'énergie. Il a d'ores et déjà annoncé son intention de laisser traîner les discussions avec la Russie sur le projet South Stream, un gazoduc de 2.400 km dont le tracé contourne l'Ukraine en passant sous la mer Noire puis traverse la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie. Avec une capacité prévue de 63 milliards de mètres cubes, South Stream, qui doit être opérationnel en 2018, pourrait acheminer aux alentours de 15% de la demande européenne. "Je n'accélérerai pas pour le moment les discussions au sujet de gazoducs tels que South Stream, elles seront retardées", a expliqué le commissaire allemand dans un entretien accordé lundi au quotidien Die Welt. L'an dernier, le géant gazier russe Gazprom a livré à l'Union européenne et à la Turquie 162 milliards de mètres cubes de gaz, un volume sans précédent, dont 86 milliards ont transité par les gazoducs traversant le territoire ukrainien. Aux Etats-Unis, où la politique ukrainienne de Vladimir Poutine inquiète tout autant qu'à Bruxelles, on considère que la dépendance des Européens à l'égard de Moscou entrave leur politique vis-à-vis de la Russie. Et à la suite du lobby pétrolier, des responsables politiques réfléchissent à la possibilité d'acheter du gaz naturel liquéfié (GNL) aux Etats-Unis et de lui faire traverser l'Atlantique. Avec le boom du gaz de schiste, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial de gaz naturel. "Une des solutions à la dépendance énergétique de l'Union européenne vis-à-vis de la Russie réside dans le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement", a confirmé John Clancy, porte-parole du commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht. Les négociations de ce pacte transatlantique n'englobent pas le dossier de l'énergie mais la crise en Ukraine met en lumière la dépendance de l'UE vis-à-vis du gaz russe et pousse les négociateurs européens à tenter de persuader d'y inclure le gaz naturel. Un accord commercial entre les deux blocs, que les négociateurs veulent finaliser d'ici la fin de l'année, rendrait automatique l'autorisation des licences d'exportation de GNL américain, supprimant ainsi les restrictions existantes. (Henri-Pierre André pour le service français; édité par Marc Angrand)