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Le rêve d'un retour au pouvoir s'éloigne pour les Verts allemands

par Erik Kirschbaum BERLIN (Reuters) - "J'ai toujours voté vert, mais plus maintenant. Personne n'aime qu'on lui dise ce qu'il doit faire. C'est comme si les Verts allaient tout rendre plus cher." En quelques phrases, Sven Suska, un programmeur en informatique, résume le malaise des électeurs écologistes. Pour ce quadragénaire, les Grünen sont devenus un parti trop établi. Après la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011 au Japon, les Verts ont vu leurs intentions de vote grimper jusqu'à un pic de 23%. Ils se sont emparés deux mois plus tard du Land de Bade-Wurtemberg, jusqu'alors domaine réservé des conservateurs, et se sont pris à rêver d'un retour au pouvoir, qu'ils avaient exercé avec les sociaux-démocrates au sein de la coalition rouge-verte de 1998-2005. En juillet dernier encore, les Verts étaient crédités de 15% des voix, bien plus que leur résultat électoral de 2009 (10,7%). Mais soudainement, au cours des deux derniers mois, le parti est retombé à 10%, son plus bas niveau en quatre ans. Cet effondrement, au moment le plus décisif de la campagne électorale, semble avant tout le résultat d'erreurs stratégiques. Les Grünen ont donné l'impression de vouloir imposer leurs vues et s'immiscer dans la vie privée : conduire moins vite, prendre le bus, éteindre les lumières, le chauffage, interdire l'élevage à grande échelle. Leur idée d'un "Veggie Day", un jour sans viande par semaine dans les cantines, a été copieusement raillée par les autres partis et les médias pendant la campagne. Les libéraux du FDP se sont empressés d'organiser un barbecue. Les Verts se sont également aliéné des supporters en proposant d'abaisser le seuil de la vitesse maximale en ville et de plafonner la vitesse sur les autoroutes. "Les Allemands n'ont aucun sens de l'humour quand on touche à la viande et à l'automobile", remarque Yvonne Seiler, une secrétaire et électrice écologiste. Le parti a effrayé aussi nombre de ses partisans en promettant de relever les impôts pour les revenus supérieurs à 80.000 euros par an, ce qui concerne une bonne partie de son électorat. FUNDIS ET REALOS Katrin Göring-Eckardt codirige le parti écologiste. Elle relativise la chute enregistrée par sa formation dans les sondages. "Nous baissons souvent avant les élections avant de remonter. Je ne suis donc pas très inquiète", dit-elle. Elle reconnaît toutefois que la controverse autour du jour végétarien a pesé sur la campagne des Grünen, accusant les autres partis d'avoir déformé leur idée. "Certaines personnes insinuent que nous voulons interdire la viande le jeudi, ce qui n'est absolument pas le cas", explique la dirigeante. Originaire d'Allemagne de l'Est, membre de l'église luthérienne, Katrin Göring-Eckardt, 47 ans, est considérée comme une modérée au sein d'un parti depuis longtemps divisé entre "fundis" - les plus idéologues - et "realos" - l'aile pragmatique à laquelle appartenait l'ancien chef du parti et ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer. Lorsqu'elle a été nommée pour conduire la campagne électorale aux côtés du chevronné Jürgen Trittin, en novembre 2012, la possibilité d'un gouvernement de coalition sans précédent entre les Verts et les chrétiens-démocrates - leurs ennemis de toujours - était encore dans l'air du temps. Mais l'opposition à cette perspective d'une alliance "noire-verte" s'est fortement manifestée dans les deux camps et le débat autour de cette idée s'est peu à peu éteint. "Il n'y a pas assez de terrain commun pour former un gouvernement responsable avec les conservateurs", tranche Katrin Göring-Eckardt. "Nous aimerions certainement participer au gouvernement. Mais je ne crois pas qu'il soit possible de le faire avec eux." Le meilleur espoir des Verts est plutôt d'égaler leur score de 10,7% obtenu en 2009, le meilleur résultat électoral de leur histoire. Mais même dans ce cas, ils semblent destinés à passer quatre années supplémentaires dans l'opposition. Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Gilles Trequesser