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La France met en place un parquet financier national

La justice française a mis en place lundi son procureur national financier, un parquet à compétence nationale voulu par François Hollande après le scandale de l'affaire Cahuzac pour lutter contre la corruption et l'évasion fiscale. /Photo d'archives/REUTERS/Eric Gaillard

PARIS (Reuters) - La justice française a mis en place lundi son procureur national financier, un parquet à compétence nationale voulu par François Hollande après le scandale de l'affaire Cahuzac pour lutter contre la corruption et l'évasion fiscale. Eliane Houlette, 61 ans, s'est déclarée prête à relever le défi, écartant les critiques qui avaient accompagné l'annonce d'une telle structure, qualifiée, a-t-elle ironisé, "d'objet juridique non identifié" ou de "création aventureuse". Dans son discours devant les autorités concernées et la ministre de la Justice Christiane Taubira, elle a dit vouloir faire du parquet national financier une "force de frappe" alliant célérité et efficacité. Le procureur a rappelé que le coût de la corruption pour l'économie européenne était de "120 milliards d'euros". La magistrate a égrené d'autres chiffres, les 60 à 80 milliards d'euros que coûte la fraude fiscale à l'Etat français ou les 32 milliards d'euros de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. "Ces chiffres nous contraignent à regarder en face cette vérité: la maîtrise de la corruption et de la fraude fiscale constitue un défi majeur pour l'Europe et pour la France", a-t-elle dit. Dans le Monde, la magistrate estime que l'affaire Cahuzac a été un "détonateur" mais que la préoccupation des autorités face à la montée de la délinquance financière était ancienne. Le parquet national financier a d'ores et déjà récupéré 110 dossiers, pour la plupart du parquet de Paris, dont ceux de Jérôme Cahuzac, Patrick Balkany, François Pérol et Serge Dassault, mais a vocation à monter rapidement en puissance. L'INDÉPENDANCE DU PARQUET FINANCIER EN QUESTION Pour l'instant, ses magistrats -travaillant avec une dizaine de juges d'instruction spécialisés- ne sont que cinq, mais ils devraient être une quinzaine en septembre et, à terme, plus de vingt. "Nous ne sommes que cinq, tous engagés et motivés. C'est peu, mais cela suffit pour mettre en route l'institution", a estimé Eliane Houlette. Le parquet national financier, créé par la loi du 6 décembre 2013 dans la foulée des révélations sur le compte bancaire frauduleux de l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, a une compétence exclusive pour les délits boursiers, jusqu'alors réservés au parquet de Paris. Il a une compétence concurrente pour les délits de corruption, les atteintes à la probité, les escroqueries à la TVA, la fraude fiscale et le blanchiment quand les procédures apparaissent d'une grande complexité. La Chancellerie a demandé aux procureurs des villes de province de faire l'inventaire de tout ce qui pourrait relever de la compétence du nouveau parquet. En cas de conflit, les procureurs généraux trancheront. La création de ce parquet autonome avait suscité de sérieuses réserves dans le monde judiciaire, y compris de la part de la Cour de cassation. Ses détracteurs soulignent en particulier qu'il n'est pas indépendant et est soumis à l'autorité du parquet général. Eliane Houlette a estimé que l'on pouvait regretter que le gouvernement n'ait pas mené à bien son projet de réforme permettant d'assurer l'indépendance du parquet. Mais, selon elle, "l'indépendance est d'abord une affaire d'esprit, de coeur, de volonté, de courage", raison pour laquelle elle a cité à la fin de son discours Albert Camus. (Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)