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François Hollande brouille son message sur le recul du chômage

PARIS (Reuters) - Les propos de François Hollande sur l'objectif, maintenu mais nuancé, d'inverser la courbe du chômage en France ont semé la confusion jeudi, conduisant l'Elysée et la majorité à faire assaut de pédagogie pour clarifier la ligne présidentielle. A quelques heures de la publication des chiffres du chômage pour le mois d'octobre, le président a déclaré à Aubervilliers(Seine-Saint-Denis) que le gouvernement prendrait le "temps nécessaire" pour gagner "la bataille" de l'emploi. "Ça prendra tout le temps qui est nécessaire, ce mois-ci comme les autres mois, mais ce qui compte c'est cette tendance que nous devons maintenant imposer, c'est que le chômage doit cesser d'augmenter", a-t-il déclaré lors d'une table ronde. Il semblait ainsi reconnaître que son objectif, maintes fois martelé, d'inverser durablement la courbe du chômage à partir de fin 2013 serait difficile à tenir et des ténors du Parti socialiste ont immédiatement embrayé en soulignant qu'il ne fallait pas se focaliser sur le moment précis du basculement. Interrogé un peu plus tard sur le maintien de l'échéance de la fin de l'année, le chef de l'Etat a répondu "oui". Les problèmes d'interprétation liés à cette séquence, d'autant plus sensible qu'elle touche au sujet de préoccupation numéro un des Français, ont soulevé des railleries à droite. Le député Sébastien Huyghe s'étonne ainsi dans un communiqué "de la légèreté avec laquelle François Hollande traite de la baisse espérée du chômage en France" et "reconnaît à demi-mot la vacuité de ses moulinets". Pour Jean-Christophe Lagarde, porte-parole du groupe UDI, l'engagement présidentiel est un "écran de fumée". "Il a dit ça pour se donner de l'air il y a un an. Malheureusement le chômage continue à augmenter, malheureusement les entreprises continuent à fermer", a-t-il déclaré dans les couloirs de l'Assemblée nationale. BEL CONTRE UNE "DRAMATISATION" DU CALENDRIER L'Elysée et des ténors de la majorité se sont lancés dans une explication de texte pour lever toute ambiguïté. "L'objectif de la courbe du chômage à la fin de l'année est maintenu, bien évidemment", a assuré l'entourage présidentiel, précisant que "l'idée est d'être à l'horizontale à la fin de l'année ensuite d'avoir une pente descendante". Les élus socialistes ont aussi fait oeuvre de pédagogie. Le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a mis en garde contre "une espèce de dramatisation" du calendrier. "Il ne faut pas nous créer nous mêmes je ne sais quelle contrainte sur le jour, la semaine, le mois à partir duquel nous pourrons constater cette inversion de la courbe du chômage", a-t-il dit. "L'essentiel, c'est qu'elle ait lieu et que les Français puissent constater que nos efforts sont payants". François Kalfon, secrétaire national du PS, lui a fait écho sur BFMTV. "La question n'est pas de savoir si c'est au 15 janvier ou au 15 février (...) Il y a une chose que la communication ne peut pas maîtriser, ce sont les aléas de la compétition internationale". Le président du groupe PS à l'Assemblée, Bruno le Roux, interrogé dans la cour de Matignon, dit avoir "compris tout de suite que l'objectif était maintenu et qu'en même temps, il fallait continuer derrière, ne pas laisser penser que cette bataille pouvait être gagnée par la simple inversion. LES ÉCONOMISTES DUBITATIFS Le volontarisme de François Hollande se heurte depuis le début à la réalité des chiffres. Dès l'an passé, aucun économiste ne croyait à une inversion de la courbe du chômage fin 2013 au vu de la faiblesse de l'activité en France, le recours aux contrats aidés et aux dispositifs comme les "emplois d'avenir" permettant au plus d'envisager une stabilisation du nombre de demandeurs d'emploi. Même le retour de la croissance depuis le printemps, qui s'annonce heurté et très progressif, n'a pas changé fondamentalement leur scénario. Le gouvernement a bâti son budget 2014 sur la base d'une croissance de 0,9% du PIB, un scénario jugé crédible par l'OCDE comme par la Commission européenne. Mais dans ses dernières prévisions publiées récemment, l'OCDE n'anticipe pas de baisse du taux de chômage français avant le deuxième trimestre 2015, le voyant culminer à 11,2% fin 2014 (contre 11% attendu cette année). Les économistes de la Commission européenne le voient monter encore à 11,3% en 2015. Plus optimiste, l'Insee prévoit une stabilisation fin 2013 tout en soulignant que la croissance attendue pour 2014 sera insuffisante pour absorber la hausse de la population active, estimée autour de 115.000 personnes. "Pour avoir une baisse du chômage (en 2014), il faudra que l'emploi aidé continue à augmenter à un rythme soutenu et que les effets du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) montent en charge rapidement", déclarait début octobre Cédric Audenis, chef du département conjoncture de l'Insee. Elizabeth Pineau, avec Emile Picy et Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse