L'opposition ukrainienne mobilise pour l'Europe à Kiev

Des centaines de milliers de manifestants étaient massés dimanche en milieu de journée sur la place de l'Indépendance à Kiev pour accentuer la pression sur le gouvernement ukrainien, qui cherche à se rapprocher de la Russie après avoir renoncé à un partenariat avec l'Union européenne. /Photo prise le 8 décembre 2013/REUTERS/Inna Sokolovska

par Alissa de Carbonnel et Pavel Polityuk KIEV (Reuters) - Des centaines de milliers d'opposants au président Viktor Ianoukovitch se sont massés dimanche à Kiev pour afficher leur hostilité à tout rapprochement de l'Ukraine avec la Russie après l'abandon d'un partenariat avec l'Union européenne. Des manifestants s'en sont pris à l'un des symboles de l'influence historique de Moscou sur leur pays en renversant une statue de Lénine, fondateur de l'Union soviétique. Ils se sont attaqués à cette statue de granit rouge, érigée en 1946, avec des marteaux et des barres métalliques et ont fini par la mettre à bas à l'aide de cordes, a constaté un journaliste de Reuters. "Ianoukovitch, tu es le prochain", ont-ils scandé en se relayant pour donner des coups à la statue à terre et désormais décapitée. Sous les acclamations de la foule, une jeune femme a planté le drapeau de l'Union européenne sur le piédestal où trônait auparavant la statue de 3,5 mètres de haut. Les chefs de file de l'opposition ont dit ne pas être responsables de cette initiative. La place de l'Indépendance a été transformée en un village de tentes orné de drapeaux jaunes et bleus, les couleurs de l'Ukraine et de l'UE. Les participants luttent contre le froid en se réchauffant autour de braseros. Sur un grand arbre de Noël dominant la place, des manifestants ont aussi affiché un portrait de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, ancien Premier ministre et grande rivale du chef de l'Etat. "C'est un moment décisif, les Ukrainiens sont rassemblés ici parce qu'ils ne veulent pas vivre dans un pays où règne la corruption et où il n'y a pas de justice", a lancé à la foule l'imposant Vitali Klitschko, ancien champion de boxe devenu l'une des figures de l'opposition. MESSAGE DE TIMOCHENKO "Ce n'est pas la matraque d'un policier qui nous fera taire !", a-t-il ajouté, appelant à la libération des prisonniers politiques, à la démission du Premier ministre Mikola Azarov et à l'organisation d'élections présidentielle et législatives anticipées. Ioulia Timochenko a adressé un message aux manifestants, qui a été lu par sa fille Evguenia. "Nous sommes sur le fil du rasoir, entre un plongeon définitif dans une dictature cruelle ou un retour dans la communauté européenne, c'est-à-dire chez nous", dit-elle dans ce message. "Il y a beaucoup plus de risques de finir dans une dictature médiévale. Le choix est entre vos mains", ajoute-t-elle, exhortant l'opposition à ne pas baisser les bras et à ne pas négocier avec la "bande" de Viktor Ianoukovitch. Le dirigeant d'extrême droite Oleh Tiahnibok a interrogé la foule. "Voulez-vous passer sous le joug de Moscou ?" "Non !", ont répondu des centaines de milliers de voix. "Voulez-vous revenir en Europe ?" "Oui !", a rugi la foule. Un peu plus tard, un groupe de manifestants s'est dirigé vers le siège du gouvernement, à un kilomètre de la place, et a commencé à dresser des barricades et à installer des tentes, apparemment dans le but de paralyser l'activité gouvernementale la semaine prochaine. "Nous voulons une Ukraine européenne", dit Vasil Didoukh, 23 ans, venu comme de nombreux manifestants de l'ouest du pays, fief d'Ioulia Timochenko et d'autres dirigeants d'opposition, alors que l'est russophone de l'Ukraine est un bastion du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch. ASHTON ATTENDUE À KIEV Dimanche dernier, 350.000 personnes avaient participé sur la place de l'Indépendance à un rassemblement de ce type, au lendemain d'une violente intervention de la police contre des manifestants et des journalistes, qui a suscité les critiques des pays occidentaux. Les forces de l'ordre ont menacé de faire évacuer par la force les bâtiments publics occupés par les opposants, notamment la mairie de Kiev. Ce face-à-face entre l'opposition et le gouvernement suscite des inquiétudes sur la stabilité politique et économique de l'Ukraine, ancienne république soviétique de 46 millions d'habitants, bordée par quatre Etats membres de l'UE et voie de transit du gaz russe vers l'Europe. Lors d'un entretien téléphonique, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a exhorté dimanche Viktor Ianoukovitch à dialoguer avec ses opposants et à respecter les libertés individuelles, a rapporté l'exécutif européen. La Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, se rendra à Kiev dans le courant de la semaine pour tenter de contribuer à une sortie de crise, a ajouté la Commission. D'après l'agence de presse Interfax, Viktor Ianoukovitch a aussi discuté de la situation avec le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon. Cette mobilisation intervient dans un climat d'incertitude entourant la position de Viktor Ianoukovitch. Ce dernier a rencontré vendredi son homologue russe Vladimir Poutine dans la station balnéaire de Sotchi sur la mer Noire et des rumeurs font état d'une possible adhésion à l'union douanière mise en place par le Kremlin et réunissant déjà la Biélorussie et le Kazakhstan. Avec Richard Balmforth et Natalia Zinets; Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français