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Hollande soutient Valls sur les Roms, la tension monte

François Hollande a choisi de soutenir la politique de fermeté de Manuel Valls vis-à-vis des Roms avant des élections municipales où ce dossier devrait jouer un rôle majeur, aggravant les tensions avec l'aile gauche de sa majorité. /Photo d'archives/REUTERS/Pascal Rossignol

par Yves Clarisse PARIS (Reuters) - François Hollande a choisi de soutenir la politique de fermeté de Manuel Valls vis-à-vis des Roms avant des élections municipales où ce dossier devrait jouer un rôle majeur, aggravant les tensions avec l'aile gauche de sa majorité. Le ministre de l'Intérieur, qui est le plus populaire du gouvernement, a affirmé mardi que les Roms avaient vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie, jugeant leur mode de vie en confrontation avec celui des Français. Cette position a été saluée par l'opposition de droite, qui a fait des Roms un thème de campagne pour les municipales de mars, mais les Verts et la gauche de la gauche ont demandé à François Hollande de désavouer les propos de son ministre. La ministre du Logement, l'écologiste Cécile Duflot, a estimé jeudi que Manuel Valls était allé "au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain", une position susceptible de ressouder les écologistes -dont le parti traverse des turbulences- mais qui répond à une véritable irritation. Elle a estimé lors des journées parlementaires de son parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à Angers que le chef de l'Etat n'avait pas été élu pour poursuivre la politique de Nicolas Sarkozy, mais pour "réparer des blessures douloureuses". Dans l'entourage de Cécile Duflot, on jugeait vendredi que les propos de Manuel Valls étaient "immoraux, limite xénophobes, proches de la Droite populaire", l'aile droite de l'UMP. A la gauche de la gauche, le ton est encore plus dur. "Ces propos racistes et xénophobes sont graves", a dit Jean-Jacques Candelier, député communiste du Nord, qui demande dans un communiqué à François Hollande et au Premier ministre Jean-Marc Ayrault de "prendre leurs responsabilités". HOLLANDE NE CÈDE PAS À LA PRESSION Le Défenseur des droits Dominique Baudis a reproché vendredi au gouvernement de ne pas appliquer la circulaire d'août 2012 encadrant le démantèlement des camps de Roms avec des décisions de justice et des mesures d'insertion, dont Jean-Marc Ayrault a affirmé qu'elle était la seule politique du gouvernement. Il précise avoir demandé à Viviane Reding, commissaire européenne aux Droits fondamentaux, de réunir les responsables européens chargés de la lutte contre les discriminations pour établir une stratégie commune. Au sein du PS, certains demandent aussi à François Hollande de désavouer son ministre de l'Intérieur. "Tant que François Hollande ne dira pas à Valls d'être fédérateur au lieu d'être provocateur, cela n'ira pas. Je pense que ça affaiblit Hollande", a dit à des journalistes Marie-Noëlle Lienemann, membre de l'aile gauche du parti. Mais le chef de l'Etat n'entend visiblement pas céder à la pression et soutient son ministre de l'Intérieur, avec en ligne de mire les municipales où l'extrême droite pourrait capitaliser sur le dossier des Roms et effectuer une percée. Sur le site d'ArcelorMittal de Florange (Moselle), jeudi, il a refusé de "commenter les phrases des uns et des autres", visiblement irrité de voir sa visite -plutôt réussie- phagocytée par l'ultimatum lancé par Cécile Duflot. Dans son entourage, on souligne qu'il soutient son ministre de l'Intérieur qui mène une politique mêlant "fermeté et humanité" et ne désavoue pas l'idée selon laquelle les Roms s'intégreraient difficilement. Le message a été bien compris par le reste du gouvernement, y compris par les ministres, dont Arnaud Montebourg, qui avaient critiqué la virulence des propos de Manuel Valls. "Il procède à des reconduites à la frontière qui sont légales parce qu'il y a des actes de délinquance et des problèmes de sécurité et je crois qu'il a des résultats. Il faut rendre hommage au ministre de l'Intérieur", a dit vendredi le ministre du Redressement productif sur RTL. "NOUVELLE MAJORITÉ"? Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a abondé dans le même sens sur Europe 1, s'en prenant violemment à Viviane Reding, qui avait condamné mercredi les propos de Manuel Valls. "Au lieu de venir nous menacer, elle devrait venir sur le terrain voir ce qui ne marche pas dans les décisions prises par l'Europe", a-t-il en faisant référence à l'ouverture des frontières pour les Roumains et les Bulgares, qui est en fait une décision des gouvernements de l'Union, dont la France. Enfin, pour Thierry Mandon, porte-parole du groupe Parti socialiste, le ministre de l'Intérieur a raison et les promesses d'insertion sont à ce stade "vaines". "Il n'y a pas de boulot, il n'y a pas de logements, donc je pense que la priorité sur ce dossier ça doit être le pragmatisme et que les ministres restent concentrés sur cette tâche." Les remous au sein de la majorité risquent donc de perdurer. Constatant la convergence entre les Verts et le Front de gauche sur ce dossier, l'ex-candidate écologiste à la présidentielle Eva Joly a annoncé qu'elle présenterait au congrès d'EELV de novembre une motion appelant à la construction d'une "nouvelle majorité". Cette majorité serait constituée d'EELV, des "socialistes hétérodoxes" et du Front de Gauche. Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui s'en est également pris à Manuel Valls, s'est dit aussitôt prêt à "converger" si les écologistes prenaient une telle décision. Avec Patrick Vignal, Emile Picy et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse