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Optimisme mesuré à Genève après des ouvertures de l'Iran

par Louis Charbonneau et Yeganeh Torbati GENEVE (Reuters) - L'Iran serait prêt à réduire ses opérations d'enrichissement d'uranium en échange d'un assouplissement des sanctions économiques internationales, a-t-on appris mercredi de source diplomatique à Genève, alors que les pays occidentaux manifestaient un optimisme mesuré. Les négociateurs de l'Iran et du groupe P5+1, qui rassemble les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu et l'Allemagne, ont évoqué une "importante contribution" de Téhéran dans un communiqué commun, à l'issue de deux jours de négociations à Genève. La simple existence d'un communiqué commun, rarement publié à l'issue de négociations entre Téhéran et les grandes puissances, témoigne du changement d'attitude diplomatique observé par l'Iran depuis l'élection à la présidence en juin du modéré Hassan Rohani, partisan d'un ton plus modéré envers l'Occident que son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad. Les deux délégations, qui se retrouveront les 7 et 8 novembre, toujours à Genève, n'ont pas divulgué en détail la nature des propositions iraniennes, et les responsables occidentaux ont tenu à dire que la conclusion d'un accord restait incertaine. Catherine Ashton, haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, a toutefois déclaré que les discussions de mardi et mercredi étaient les plus détaillées que le groupe ait eues depuis longtemps avec les Iraniens et que des spécialistes des questions nucléaires et des sanctions se réuniraient avant la prochaine rencontre de Genève. La Maison blanche a elle salué "une nouvelle proposition d'un sérieux et d'une consistance" sans précédent, tandis qu'un responsable américain rapportait n'avoir jamais connu en deux ans d'expérience de discussions aussi "franches" et "animées" avec Téhéran. "ENTRER DANS LES DÉTAILS" Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a pour sa part évoqué des discussions "fructueuses" et a dit espérer "une nouvelle phase" dans les relations entre son pays et les grandes puissances. "Maintenant, il faut entrer dans les détails", a-t-il souligné, estimant que le P5+1 avait fait montre de la "volonté politique nécessaire" pour faire avancer les discussions. Israël, adversaire le plus ardent du programme nucléaire iranien, n'a pas réitéré sa demande, faite aux grandes puissances au début des négociations, d'exiger l'arrêt total de l'enrichissement d'uranium, mais Benjamin Netanyahu, le Premier ministre, a annoncé qu'il rencontrerait le 23 octobre John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, pour évoquer les pourparlers. Selon des sources diplomatiques, l'Iran a évoqué lors des négociations une réduction des activités d'enrichissement et une transformation d'une partie de son stock actuel d'uranium enrichi à 20% en oxyde d'uranium servant au fonctionnement des réacteurs civils. La République islamique n'a cependant aucune intention de renoncer totalement à enrichir de l'uranium, selon un membre de la délégation qui s'adressait à l'agence de presse russe RIA. "Outre la suspension de l'enrichissement à 20%, il est possible d'envisager un scénario prévoyant la réduction du nombre de centrifugeuses", a ajouté ce délégué. "Mais, pour cela, nous attendons des gestes concrets de nos interlocuteurs et nous n'avons encore rien vu." Les diplomates engagés dans les discussions ne veulent pas donner trop de précisions sur l'évolution des pourparlers afin de ne pas provoquer de réactions à Téhéran, où les durs du régime suivent avec scepticisme les ouvertures iraniennes, et à Washington, où les "faucons" restent plus que jamais méfiants vis-à-vis de la République islamique. "PROPOSITIONS CONCRÈTES" On déclare toutefois que l'Iran, soupçonné de vouloir se doter de l'arme nucléaire, a présenté cette fois-ci, dans le cadre d'un plan en trois phases, des propositions bien plus concrètes que par le passé - propositions que les négociateurs iraniens souhaitent garder secrètes tant qu'ils ne les auront pas "vendues" à la frange la plus radicale de la direction iranienne. Le groupe P5+1 veut que l'Iran arrête ses opérations d'enrichissement d'uranium. Les Iraniens affirment que leur programme est purement civil, énergétique et médical, et qu'ils n'ont aucune intention de fabriquer une bombe atomique. Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqchi, a aussi laissé entendre que l'Iran pourrait accorder aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) un accès plus large à ses sites nucléaires. Interrogé par l'agence de presse officielle Irna sur l'enrichissement d'uranium et sur l'application du Protocole additionnel de l'AIEA, Abbas Araqchi a répondu : "Aucun de ces problèmes ne fait partie de la première phase (du plan iranien) mais ils constituent une partie de notre dernière étape". (voir )" Le délégué russe, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, s'est montré pour sa part très prudent. Il a déclaré à l'agence de presse Interfax qu'après la rencontre de ces deux derniers jours rien, à ses yeux, ne garantissait des avancées dans les négociations. "Le résultat est meilleur qu'à Almaty (lors de la précédente réunion en avril) mais il ne garantit pas que nous progresserons encore", a-t-il dit. "La coopération aurait pu aller plus loin." Avec Fredrik Dahl, Justyna Pawlak et Stephanie Nebehay à Genève, Marcus George à Dubaï, Kiyoshi Takenaka à Tokyo, Alexei Anishchuk à Moscou et Allyn Fisher-Ilan à Jerusalem; Guy Kerivel et Julien Dury pour le service français