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Famine, tortures et atrocités en Corée du Nord

A Genève, Michael Kirby, qui préside la commission d'enquête de l'Onu, a fait état de violations systématiques des droits de l'homme en Corée du Nord rapportées par des réfugiés et d'anciens prisonniers politiques. /Photo prise le 17 septembre 2013/REUTERS/Denis Balibouse

par Stephanie Nebehay GENEVE (Reuters) - Des témoignages de réfugiés et d'anciens prisonniers politiques nord-coréens décrivent des violations graves et systématiques des droits de l'homme de la part du régime de Pyongyang, a estimé mardi le chef de la mission d'enquête mise en place à la demande du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Ceux qui ont survécu aux camps nord-coréens ont connu "la famine et des atrocités indicibles", a résumé Michael Kirby, qui a fait un premier point mardi devant le Conseil des droits de l'homme à Genève en se fondant sur des témoignages recueillis en août lors d'audiences publiques à Séoul et Tokyo. "Ils sont représentatifs de systèmes à grande échelle susceptibles de constituer des violations graves et systématiques des droits humains", a déclaré Michael Kirby, ancien magistrat à la Cour suprême d'Australie. "J'ai été juge pendant très longtemps et j'en ai entendu des témoignages", a-t-il ajouté. "Mais j'ai eu les larmes aux yeux à plusieurs reprises pendant les témoignages auxquels j'ai assisté à Séoul et à Tokyo, notamment ceux de M. et Mme Yokota." Leur fille, Megumi Yokota, 13 ans, a disparu à son retour de l'école au Japon en 1977. L'adolescente fait partie des 13 Japonais que Kim Jong-il, le défunt père de l'actuel dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, a reconnu avoir kidnappé dans les années 70 et 80. Selon la Corée du Nord, huit d'entre eux sont morts, dont Megumi. La commission d'enquête sur la Corée du Nord a été lancée en mars pour faire la lumière sur les violations des droits de l'homme dans ce pays communiste aux frontières quasiment fermées. La commission devra aussi se prononcer sur d'éventuels crimes contre l'humanité. "NOYER SON ENFANT" Parmi ceux qui ont témoigné le mois dernier en Corée du Sud, figure Shin Dong-hyuk, qui a réussi à s'échapper du Camp 14, une prison où il est né et où il a, dit-il, été contraint d'assister aux exécutions de sa mère et de son frère. "Nous nous rappelons du témoignage d'un jeune homme, emprisonné depuis sa naissance et se nourrissant de rongeurs, de lézards et d'herbe pour survivre et qui a assisté à l'exécution de sa mère et de son frère", a déclaré Michael Kirby en faisant allusion à Shin Dong-hyuk. En Corée du Nord, a-t-il expliqué, on peut être torturé et emprisonné pour le simple fait d'avoir regardé un feuilleton étranger en DVD. L'ex-juge a raconté la torture, la famine, des familles entières sanctionnées dans le cadre de la pratique dite de "culpabilité par association". Il a cité le récit d'une Nord-Coréenne qui a raconté comment elle avait vu une prisonnière "contrainte de noyer son propre enfant". Les enquêteurs chercheront à identifier les responsables de ces actes, tant au niveau des institutions que des personnes, a-t-il ajouté. Il n'a pas précisé le genre de poursuites qui pourraient être envisagées. La Corée du Nord n'est pas membre de la Cour pénale internationale (CPI), mais le Conseil de sécurité des Nations unies peut demander à la cour de la Haye d'enquêter sur des accusations de la part de pays non parties au Statut de Rome. L'équipe de Michael Kirby, malgré ses nombreuses demandes, n'a pas obtenu l'autorisation de se rendre en Corée du Nord. De ce fait, les témoignages de ceux qui ont réussi à s'échapper ainsi que les diverses preuves collectées ne peuvent être corroborés sur place. Michael Kirby met au défi Pyongyang de pouvoir produire "la moindre preuve" pour sa défense. Un diplomate nord-coréen, Kim Yong Ho, a aussitôt contesté cette enquête, la considérant "falsifiée" et s'inscrivant dans le cadre d'une "conspiration politique" visant un changement de régime en Corée du Nord. Selon lui, l'affaire est politisée par l'Union européenne et le Japon, en liaison avec la "politique hostile" des Etats-Unis. La Chine, principal allié de la Corée du Nord, a pris la défense du régime de Pyongyang, aux côtés de la Biélorussie et de la Syrie. Avec Tom Miles, Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser