Enquête ouverte en Egypte sur des militants pro-démocratie

LE CAIRE (Reuters) - Le procureur général d'Egypte examine des plaintes déposées contre plusieurs défenseurs des droits de l'homme et militants pro-démocratie, dont bon nombre sont des figures de proue de la révolution de janvier-février 2011 ayant abouti au renversement d'Hosni Moubarak, a-t-on appris de source proche du parquet. Confirmant le contenu d'un article publié samedi par le journal Al Ahram sur son site internet, cette source précise que le parquet a reçu des plaintes de citoyens contre 35 personnalités politiques, parmi lesquelles le militant Ahmed Maher, le blogueur Ahmed Douma ou encore l'homme politique libéral Amr Hamzaoui. Les plaignants accusent ces personnalités d'avoir accepté de l'argent des Etats-Unis et d'autres pays et affirment que des télégrammes diplomatiques rendus publics par WikiLeaks soutiennent ces accusations, dit-on de même source. On ignore à quels câbles révélés par WikiLeaks font référence ces plaintes mais certains d'entre eux évoquaient des rencontres ou des dîners en 2007 et 2008 entre l'ambassadeur des Etats-Unis de l'époque et des militants. Amr Hamzaoui a démenti sur Twitter les accusations portées à son encontre. "Les affirmations selon lesquelles j'ai perçu de l'argent de l'étranger sont complètement fausses", a-t-il écrit, en dénonçant une campagne de manipulation. Le parquet n'était pas joignable dans l'immédiat. Les poursuites engagées sur la base de plaintes déposées par des citoyens sont perçues depuis longtemps en Egypte comme un moyen d'intimidation contre les opposants. Cela a continué à être le cas sous la présidence de Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans. Depuis que ce dernier a été renversé par l'armée le 3 juillet, le nouveau pouvoir a lancé une vaste répression contre la confrérie, dont les principaux dirigeants ont été arrêtés pour incitation à la violence, de même qu'environ 2.000 islamistes. JOURNALISTE EN DÉTENTION Certains en Egypte craignent que les militaires ne se tournent maintenant contre d'autres mouvements ayant participé au renversement d'Hosni Moubarak, lui-même issu de l'armée, avec l'espoir de bâtir une démocratie dirigée par les civils. "Ce sont des accusations montées de toutes pièces", a dit Gamal Eïd, avocat et militant des droits de l'homme, interrogé par Reuters. "(Ces plaintes) émanent de gens qui savent que c'est faux mais qui tentent d'étouffer les revendications des militants en faveur de la réalisation des objectifs de la révolution." Par ailleurs, l'avocat Haïssam Mohamedine a comparu devant des procureurs militaires à Suez avant d'être libéré, a-t-on appris de sources judiciaires. On ignore si les charges à son encontre ont été abandonnées. Ce militant des droits de l'homme, membre du mouvement socialiste révolutionnaire, une organisation critique envers l'armée, avait été arrêté jeudi. Il était notamment accusé d'appartenance à une organisation clandestine menaçant l'Etat et l'armée. Dans une autre affaire, le journaliste Ahmed Abou Deraa est maintenu en détention après son arrestation mercredi dans le nord du Sinaï, où l'armée lutte contre des activistes islamistes. Le parquet militaire l'accuse de propagation de mensonges et de divulgation d'informations sensibles à des organisations clandestines, a dit une source proche du parquet. "La détention d'Ahmed Abou Deraa renvoie à l'époque Moubarak, lorsque les journalistes étaient confrontés à de terribles obstacles pour couvrir les activités de l'armée dans la péninsule du Sinaï", a réagi Robert Mahoney, directeur adjoint du Comité de protection des journalistes (CPJ). Shadia Nasralla, avec Tom Perry; Bertrand Boucey pour le service français