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Conclave: le suspense se poursuit sur le choix des cardinaux

De nouvelles volutes de fumée noire se sont échappées mercredi de la cheminée de la Chapelle Sixtine, maintenant le suspense sur le vote des cardinaux réunis en huis clos depuis la veille pour élire le successeur de Benoît XVI. Après une première fumée noire mardi soir juste après l'entrée en conclave, les deux votes prévus dans la matinée n'ont pas abouti. Deux autres doivent avoir lieu dans l'après-midi. Les scrutins de mercredi sont déterminants pour confirmer les forces en présence. L'absence d'élection à l'issue de trois tours est "très normale", a assuré le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi. "C'est seulement au conclave de 1939 que Pie XII avait été élu dès le troisième tour de scrutin", a-t-il noté. Sous un océan de parapluies, la foule nombreuse en fin de matinée sur la Place Saint-Pierre avait exprimé sa déception, mais avec le sourire. "Nous espérons toujours. Le Seigneur est là. Nous sommes unis au c?ur du Christ", a déclaré la Péruvienne Hermana Consuelo. "C'est normal que la fumée soit noire, il est trop tôt. C'est à partir du 4e scrutin que tout sera plus clair", pronostiquait de son côté Pasquale Lamanna de Rome. Le cardinal de New York, Timothy Dolan, avait parié sur un résultat "d'ici jeudi soir", s'exprimant d'être astreint au secret comme tous les autres 114 électeurs. Selon les témoignages, tout se joue entre un Italien et un pape des Amériques. Serait ainsi en lice, le cardinal archevêque de Milan, Angelo Scola, qui recueillerait des voix en Europe et aux Etats-Unis. En face de lui, se trouvent le cardinal Odilo Pedro Scherer, archevêque de Sao Paulo, qui aurait le soutien de la Curie, et celui du Québec, Marc Ouellet, bien connu en Amérique latine et ancien "ministre" de Benoît XVI à la tête de la congrégation des évêques. Deux Américains sont aussi cités, le capucin Sean O'Malley, réputé pour sa fermeté face au scandale pédophile à Boston, et le médiatique et brillant Dolan. Mais ces deux derniers "papabili" ont peut-être contre eux d'appartenir à la plus grande puissance du monde. Un pape américain serait "aussi compétent" qu'un pape polonais, italien ou guatémaltèque, a jugé le président Barack Obama, dans un entretien à ABC News, tout en notant avec humour que les évêques américains "n'ont pas l'air de prendre leurs ordres" auprès de lui. A ce stade du conclave, les votes permettent généralement d'évaluer si un candidat se détache et a des chances de franchir le seuil de 77 voix (les 2/3 du collège des électeurs) nécessaire pour être élu. Ou si, au contraire, des blocs de voix s'opposent, auquel cas des candidatures d'outsiders sont possibles. L'élection du prochain pape n'est pas comme celle d'un "directeur d'une multinationale" et ses capacités de management sont bien moins importantes que celles d'être un "homme de l'Evangile", a déclaré le cardinal autrichien Christoph Schönborn, cité parmi les "papabili", dans une interview avant l'entrée en conclave. Après l'épaisse fumée noire de mardi soir, celles qui sont sorties de la cheminée de la Chapelle sixtine vers 10h40 GMT ont suscité un vent de panique parmi les journalistes: noires, puis grises évoluant vers le blanc, noires de nouveau: le combustible chimique devant donner la couleur noire à la fumée semble n'avoir pas été en quantité suffisante.... Avant d'entrer en conclave mardi, les cardinaux avaient participé à une messe solennelle à la basilique Saint-Pierre, au cours de laquelle ils ont rendu hommage à Benoît XVI et à son "pontificat lumineux", une phrase saluée par des applaudissements nourris. Le cardinal Angelo Sodano, ancien bras droit de Jean Paul II, avait fait un sermon insistant sur la miséricorde, l'évangélisation et sur l'action internationale du Saint-Siège pour la justice et la paix. Une homélie qui pouvait être lue comme une invitation à sortir d'une conception trop doctrinale de la fonction papale et de redonner un lustre diplomatique perdu à l'action du Vatican dans le monde. Le prochain pape se retrouvera à la tête d'une Eglise confrontée à de grandes difficultés: sécularisation massive dans les pays de tradition chrétienne, scandales de pédophilie et de corruption qui remontent sans cesse du passé, mauvaise gouvernance et intrigues à la Curie, difficultés de l'adaptation aux cultures locales, rapports tendus avec l'islam rigoriste, contestations diverses. Sous les splendides fresques de Michel-Ange, les cardinaux devront beaucoup invoquer l'Esprit Saint pour trouver le pape idoine. Le père Lombardi, qui était présent à l'entrée en conclave, a insisté sur "le climat de recueillement" des cardinaux, notant qu?il était "impossible pour eux de se soustraire à la spiritualité du Jugement dernier de Michel-Ange". Le pape émérite Joseph Ratzinger, retiré dans la résidence d'été de Castel Gandolfo, au sud de Rome, a suivi par la télévision vaticane les retransmissions de ces cérémonies dont il est le grand absent. L'élection du 266e souverain pontife mettra un point final à quatre semaines mouvementées, depuis l'annonce surprise le 11 février par Benoît XVI de sa renonciation à l'âge de 85 ans. Depuis l'aube de mardi, les princes de l?Église sont coupés du monde, sans portables, avec interdiction absolue de communiquer au dehors. Ils ont emménagé dans la résidence Sainte-Marthe, un ancien hospice situé derrière la basilique Saint-Pierre.