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Chaîne humaine pour un référendum sur la Catalogne

Dans le centre de Barcelone. Des centaines de milliers de personnes ont formé mercredi une chaîne humaine sur 400 km de long pour réclamer la tenue d'un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. /Photo prise le 11 septembre 2013/REUTERS/Albert Gea

par Julien Toyer BARCELONE, Espagne (Reuters) - Des centaines de milliers de personnes ont formé mercredi une chaîne humaine sur 400 km de long pour réclamer la tenue d'un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. La récession et les coupes claires dans les dépenses publiques décidées par le gouvernement central de Madrid pour redresser les comptes du pays ont provoqué la colère de nombreux Catalans, dont la province représente environ un cinquième de l'économie espagnole. L'idée d'une Catalogne indépendante n'a cessé de croître ces dernières années, selon les sondages, et une majorité de la population catalane se dit favorable à la tenue d'un référendum sur la question. La chaîne humaine formée par les partisans d'une consultation populaire s'est étendue à travers la Catalogne, des Pyrénées, au nord, jusqu'à la frontière de la province de Valence, au sud. Ses organisateurs se sont inspirés d'une manifestation de ce type organisée en 1989 dans les républiques baltes d'Estonie, de Lettonie et de Lituanie, alors sous domination soviétique, et qui avait contribué à assurer l'indépendance de ces trois Etats. L'essor du séparatisme catalan est venu ajouter aux soucis du président du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, déjà confronté à un scandale de corruption dans les rangs de sa formation, le Parti populaire, et qui doit appliquer des mesures impopulaires afin de rétablir les finances du pays. EN SOUVENIR DE 1714 Mariano Rajoy et le président de la communauté autonome de Catalogne, Artur Mas, se sont dits récemment ouverts à des discussions après une année de blocage sur les questions financières et l'éventualité d'un référendum. "Aujourd'hui, nous voulons montrer que le peuple catalan veut l'indépendance. Nous voulons qu'une date soit fixée pour un référendum", lance Montserrat Espina, qui participait à la chaîne humaine à Barcelone, portant une banderole aux couleurs indépendantistes - une étoile blanche sur un triangle bleu posé sur le blason "sang et or" traditionnel de la Catalogne. Comme prévu, la chaîne humaine a été entièrement formée à 17h14, en souvenir de l'année 1714, lors de la guerre de Succession d'Espagne, quand le roi Philippe V, petit-fils de Louis XIV, décida d'abolir le système institutionnel de la Generalitat qui garantissait une grande autonomie à la Catalogne. Forts de leur langue, de leur histoire et de la richesse économique de leur province, nombre des sept millions et demi de Catalans, dont les aspirations identitaires ont été réprimées pendant près de quarante ans sous le franquisme, pensent aujourd'hui qu'ils vivraient mieux en dehors du cadre espagnol. Ils suivront de près le référendum prévu en septembre 2014 en Ecosse, où une partie de la population veut se séparer du Royaume-Uni. "POINT DE NON-RETOUR" Pour Mariano Rajoy, une vote d'autodétermination serait contraire à la Constitution. Les adversaires de l'indépendance soulignent que la Catalogne n'a jamais été vraiment indépendante, la principauté médiévale dépendant de la couronne d'Aragon, même si elle jouissait d'une grande autonomie grâce à la Generalitat. Pour les séparatistes, la Catalogne a toujours eu son identité culturelle et linguistique et a parfaitement le droit de rompre les ponts avec Madrid. "Aujourd'hui, nous allons démontrer que nous avons atteint un point de non-retour", a déclaré à Reuters Carme Forcadell, présidente de l'organisation séparatiste Assemblée nationale catalane (ANC), qui organisait cette manifestation. Le président Artur Mas menace d'organiser des élections anticipées et d'en faire un plébiscite sur l'indépendance si Mariano Rajoy se tourne vers les tribunaux pour bloquer la tenue d'un référendum. Il fait toutefois un pari risqué car l'alliance politique CiU qu'il dirige a perdu du terrain dans l'opinion publique au bénéfice du parti séparatiste de gauche Esquerra Republicana. Guy Kerivel et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser