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Dupont-Aignan : « Je suis totalement un élu de banlieue ! »

J-3. Dans un entretien tenu samedi dernier dans les locaux de la Mairie de sa municipalité de Yerres (91), l'autre Nicolas de la présidentielle a tenu à rappeler son côté banlieusard.

Nicolas Dupont-Aignan, le candidat à l'élection présidentielle de Debout la République ! reçoit dans son bureau de l'Hôtel de ville de Yerres (91). Une pièce calme et ordonnée, surveillée par le Général de Gaulle dont le portrait surplombe la table de travail. Un bureau du maire situé à l'étage d'un bâtiment coquet dans un environnement paisible, à l'image de la bourgade verdoyante de 30 000 habitants desservie par le RER D. Samedi 14 avril, à une semaine du premier tour, son visage dessine les traits tirés d'un marathonien en fin de campagne. Mais sa voix est alerte et son sourire accueillant. Un entretien accordé avant de rejoindre une cérémonie de mariage au rez-de-chaussée à laquelle il a promis de passer, pour saluer en personne et sous des applaudissements nourris, un couple qui vient de se dire « Oui ». Car Nicolas Dupont-Aignan est populaire sur ses terres de Yerres et dans sa circonscription de l'Essonne où il est député depuis 1997. Élu maire à 34 ans, il gagne depuis chaque élection locale avec des chiffres rappelant parfois ceux de Républiques bananières. 80% des suffrages exprimés en sa faveur lors des dernières municipales. Des scores massifs qui tranchent avec le 1% d'intention de vote dont le créditent les derniers sondages. Lui, à qui le film Intouchables

a profondément déplu pour le côté faussement égalitaire et l'image de la banlieue qu'il renvoyait, se décrit au fil l'interview, comme un élu de terrain à l'aise dans tous les quartiers, même les plus populaires.

Sur le Bondy Blog, on essaye notamment de donner la parole aux habitants des quartiers populaires. Qu'est-ce que c'est pour vous, un quartier populaire ?

Nicolas Dupont-Aignan : C'est un quartier où il y a un mélange de population, c'est un quartier « vrai » où on ne peut pas tricher finalement... C'est un quartier où il y a besoin de la République. Plus que jamais. Et c'est un quartier qui a été souvent méprisé ou abandonné. Ou alors à l'inverse, dans certains endroits où on a organisé une sorte de charité publique malsaine... Un quartier populaire est un quartier où la vie est plus dure, obligatoirement, mais pas pour autant plus triste !

Si vous étiez élu Président de la République le 6 mai, qu'est-ce qui changerait dans les banlieues ?

Je pense que les banlieues doivent être considérées comme les autres territoires : je n'aime pas cette espèce de « charité malsaine ». En revanche, il faut reconstruire la République. Pour moi on résoudra le problème des banlieues, entre guillemets, quand on aura renforcé l'emploi. C'est le défi numéro 1. Le deuxième défi, c'est l'éducation. Quand on aura arrêté l'école laxiste et charitable... Je crois au contraire qu'on a besoin dans ces quartiers d'une école de la République méritocratique, avec un système de bourses mais avec un système d'exigence. C'est-à-dire qu'il faut arrêter les activités annexes, cette démagogie qu'on a vu depuis des années et qui ne servent pas les enfants défavorisés...

Vous avez des exemples ?

Oui j'ai des exemples ! On met des aides éducateurs qui font des gâteaux, des cours de langue d'origine, des cours d'activité d'éveil à la noix et pendant ce temps là, les gamins n'apprennent pas à lire et écrire correctement ! Ce dont ont besoin les enfants, c'est de l'égalité de traitement et d'un plus d'enseignement pour rattraper leur retard. Je ne vois pas pourquoi ce qui est fait à Henri 4 ne l'est pas dans les quartiers. Mes propositions : qu'on dédouble toutes les classes de CP, le passage de 9h à 15h par semaine de français pour tous les primaires, la restauration de la discipline à l'école (les élèves qui perturbent la classe doivent être exclus), bourses, internats. Bref, une école qui élève l'enfant et qui le sort de son milieu d'origine. Mais ça veut dire un changement de cap radical de l'Education Nationale qui doit s'appuyer sur les enseignants, qui doit les conforter et arrêter de les désavouer...

Avec quels moyens vous mettriez en place ce programme ?

Oh c'est très simple. J'ai proposé le recrutement de 30 000 professeurs sur les 60 000 supprimés. Je pense qu'on ne peut pas faire les 60 000 postes de François Hollande, qu'on n'en a pas les moyens mais que la suppression d'effectif a été beaucoup trop loin. Donc ces 30 000 effectifs supplémentaires plus le remplacement des départs en retraite, je veux les mettre sur le primaire et dédoubler les CP. Car c'est à partir de cette classe que l'inégalité face à la langue, la compréhension des signes se passe. Or quand on entre dans le système scolaire sans la maîtrise de l'écrit, au collège, on est largué... Je suis aussi pour le rétablissement des voies professionnelles à partir de la 4ième. Et surtout pour une autre grande innovation : la seconde chance à la formation avec « la carte de sécurité professionnelle ». Je veux que tout jeune qui sort du système à 16 ans sans bagage, ait un crédit sur une carte pour une formation totalement gratuite dans le domaine de son choix et qu'il pourra utiliser jusqu'à l'âge de 35 ans. Car la formation professionnelle en France est réservée aux cadres et à ceux qui ont déjà un emploi. Elle n'est pas adaptée aux chômeurs ou aux jeunes. Autre point majeur de mon programme : Rétablir la sécurité. Il faut remettre des postes de police de proximité, lutter contre le trafic de drogue, et se donner les moyens d'une justice qui marche.

Mais à budget constant où trouvez-vous l'argent ?

Comme je change de politique, je sors de l'Euro, j'économise 20 milliards d'euros sur les frais d'intérêts de la dette. Je passe de 50 à 30 milliards en 5 ans à mesure de la monétisation par la Banque de France et donc je redéploye ces 20 milliards. Je répartis 10 milliards pour baisser les charges des PME et 10 milliards pour reconstruire l'État régalien avec 1 milliard police-justice, 6 milliards pour l'école et 3 milliards sur la recherche. Je reconstruis un État qui fonctionne, c'est tout. Il n'y a pas d'autres issues. Donc les mots clés sont emploi, éducation-formation, sécurité. Puis, après, une politique de logement...

A quand remonte votre dernière visite dans un quartier ?

Mais j'y vais toutes les semaines ou tous les 15 jours ! Je sais comment vit notre banlieue. Je connais par cœur ma circonscription, je connais tous les quartiers comme les Mardelles à Brunoy ou l'Oly à Vigneux-sur-Seine et Montgeron...

Quel est votre quartier préféré et pourquoi ?

Oh (hésitation)... je les aime bien tous. Je trouve ces quartiers très solidaires dans l'ensemble.

Connaissez-vous personnellement un jeune des quartiers ?

Mais j'en connais plein ! Vous pouvez vérifier auprès de tout le monde, même mes adversaires le reconnaissent... D'ailleurs j'y fais mes meilleurs scores, ce qui est rare pour un type dit de droite. Je pense qu'aux dernières législatives, j'ai du faire plus de voix dans les quartiers que dans les centre-villes !

Pourquoi ?

Parce que je suis là, très présent... Et j'ai tissé des liens très anciens avec les habitants... J'y vais tout seul, je me balade, je connais tous les commerçants, je tanne les bailleurs sociaux...

Mais vous n'avez pas cette image d'élu de banlieue ?

C'est vrai et je ne la valorise jamais alors que je suis totalement un élu de banlieue ! D'ailleurs, tout le monde me dit que je ne le valorise pas assez non plus mon expérience locale...

Le slogan de votre campagne c'est La France libre et dans vos discours vous répétez souvent Une autre politique est possible. Êtes-vous un altermondialiste gaulliste ?

Oui tout à fait et je crois que l'altermondialisme ne se fondera qu'à partir des Nations qui auront retrouvé leurs frontières et cadré l'économique parce que seule la Nation démocratique peut l'emporter sur les forces du marché.

Comment est né le nom Debout la République, combien de militants revendique votre mouvement et comment financez-vous cette campagne ?

Il est né comme ça, un jour en me promenant, quand je me suis dit que la République avec ses droits et ses devoirs était couchée... Il compte 11 000 militants et la campagne est financée par les dons (400 000 euros) et par un prêt bancaire contracté à titre personnel qui me sera remboursé dans la limite de 800 000 euros si mes comptes sont validés... J'ajoute que l'État donne beaucoup plus d'argent aux grands partis puisqu'il va payer 45 millions d'euros pour la campagne du PS ou de l'UMP.

Avant le dépôt de vos 708 signatures, l'entourage de Nicolas Sarkozy vous-a-t-il contacté pour vous faire renoncer à votre candidature ?

J'ai eu un appel téléphonique un peu pressant de Monsieur Guaino mais à part ça, rien... Mais pas tellement pour me demander de renoncer mais pour m'expliquer qu'on me mettrait quelqu'un dans ma circonscription si j'étais désagréable avec le Président. Je lui ai expliqué que je n'en avais rien à faire... Ils savent très bien que je ne changerai pas... Il y a eu des pressions sur les maires pour que je n'ai pas mes signatures, ça c'est sûr, mais dans l'ensemble, il faut être honnête, je ne suis pas, moi, victime de pression...

Et des approches pour les législatives ?

Non aucune. Mais vous savez, ils savent très bien ceux qui résistent et ceux qui ne résistent pas... Ils savent que je ne renoncerai pas. Un jour en 2006, Nicolas Sarkozy m'a dit « Tu es incontrôlable ». Je lui ai répondu, « Non je ne suis pas incontrôlable, je suis in-achetable, ce n'est pas la même chose... »

Vous avez eu une prise de bec avec Jean-Michel Apathie et Michel Denisot lors de votre passage au Grand Journal le 13 avril dernier en les interrogeant notamment sur leurs salaires : combien gagnez-vous ?

Mais je ne m'en suis jamais caché : 5 000 euros de député et 2 000 euros de maire. C'est le plafond et je n'ai jamais dépassé ce plafond...

Pour ceux qui n'ont pas encore pris leur décision pour le 22 avril, que voulez-vous leur dire ?

Je veux leur dire, surtout aux jeunes, allez voter ! Votez pour l'un des 10 mais allez voter car ils comptent sur votre abstention... Quand on ne va pas voter, on croit qu'on envoie un signal mais au contraire l'abstention est une joie pour les grands partis. Ils veulent une société à l'américaine avec 50% de votants et que les plus modestes ne votent pas... Ils veulent aussi supprimer l'égalité de traitement. Vous avez vu comme ils geignent pour les 15 jours d'égalité de traitement alors qu'on a que 15 jours sur 262 semaines !?! C'est un soupir de lassitude des éditorialistes que je me suis payé à Canal Plus. C'est insupportable...

Le message que je veux envoyer aux jeunes : Même si la démocratie est imparfaite, et même si vous êtes écœurés, allez voter quand même car il y a le choix...

Propos recueillis pas Sandrine Dyonis