Les Français feront-ils comme Cécilia ?

Lors de sa campagne de 2007, Nicolas Sarkozy réclamait la rupture. Ironie amère, en octobre 2007, Cécilia le prenait au pied de la lettre en obtenant le divorce. Tout le monde connaît l'histoire, on en a même tiré un film intitulé « La Conquête » qui a fait 715 000 entrées l'an dernier.

Lors de son entretien à l'Élysée avec Chazal et Delahousse, le Président a livré quelques souvenirs liés à cette période. Il a révélé qu'en 2007, il avait préparé deux discours. Un pour la victoire, un pour la défaite. Une manière de rappeler que malgré ses succès, la vie lui a aussi appris la modestie. Et en disant ça, il ne pensait pas qu'à la politique : « Le jour où vous pensez que ce à quoi vous tenez vous est acquis définitivement, ce jour-là vous le perdez et ça vaut sur le plan personnel comme sur le plan professionnel. »


Quand notre Président fait un sous-entendu, il insiste lourdement. Son truc, c'est de fusiller du regard son interlocuteur en le fixant intensément pendant trois, quatre secondes. Le petit silence gêné qui s'en suit laisse le temps à chacun de méditer le sens caché des paroles du Président. Pour Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express, l'allusion était claire. « Quand il dit (…) qu'on perd ce qu'on croit avoir acquis pour toujours, on ne peut s'empêcher de penser à Cécilia... »

L'amour et la politique

Conquérir le cœur d'une femme ou conquérir l'opinion, quelle différence ? En décembre 2004, assis sur le canapé rouge de Michel Drucker, Nicolas Sarkozy déclarait : « La France se donne à celui qui la désire le plus. » Pas vraiment une théorie, juste une phrase glissée dans un hommage qu'il rendait à Chirac. « Il y a quelque chose de très digne, de très respectable dans le parcours de Jacques Chirac », affirme Sarkozy « c'est son énergie ».

Cela dit, Chirac ne dépensait pas son énergie qu'en politique. Dans un livre de souvenirs, son chauffeur raconte : « Chirac a eu jusqu'à l'écoeurement les militantes du parti, les secrétaires de l'organisation, toutes celles avec lesquelles il passait 5 minutes affairées au 6ème étage du 123, rue de Lille. » Les grands fauves qui nous gouvernent ont souvent de la testostérone à revendre. Ça les dope pour conquérir le pouvoir, mais forcément, il y a des effets secondaires. Ça rappelle une formule de Dominique de Villepin, rapporté par Franz-Olivier Giesbert, au sujet de la France : «Elle a envie qu'on la prenne. Ça la démange dans le bassin.»

Et les présidentielles dans tout ça ?

En faisant le parallèle entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle, le Président suggère que l'expérience acquise dans un domaine peut servir dans l'autre. Comme s'il s'agissait de ne pas reproduire aujourd'hui en politique, les erreurs commises naguère dans sa vie sentimentale. Quand une femme est sur le point de vous quitter, on se persuade volontiers que c'est parce qu'elle n'a pas mesuré à quel point vous l'aimiez.

Dès les premiers mots de son discours de Marseille, Nicolas a donc parlé d'amour. Une vraie déclaration à la France, un inventaire de tout ce qu'il aime chez Elle. Le ciel, le son des mots, des chansons, des musiques, des livres, les arbres plantés le long des routes, les bords de mers, une façon de rire, une façon d'être libre, une façon de goûter la vie. Dès les premières minutes de son discours, il a employé quinze fois le verbe « aimer » (toujours à la première personne du singulier).

Mais là où on voit bien que Nicolas Sarkozy est amoureux, c'est quand il critique son rival. Sans prononcer son nom, il accuse François Hollande de « mentir matin et soir ». Il va même jusqu'à dire qu'il n'aime pas vraiment la France.

Une telle violence dans les accusations est inhabituelle en politique. En revanche, elle est fréquente dans les scènes de ménage. Nicolas Sarkozy noircit le portrait de François Hollande comme un amoureux dénigre son rival.

Premier argument : « Toutes les belles promesses que te fais ce type, c'est des mensonges ! »

Deuxième argument : « Tu ne vois pas que personne ne t'aimera jamais autant que moi ?!? »

L'idée qu'on le quitte pour un type moins bien que lui, ça l'enrage ! En plus, ce n'est pas la première fois que ça lui arrive.

Les histoires d'amour finissent mal …

Entre Nicolas Sarkozy et les Français, il y a toujours eu plus de passion que d'indifférence. C'est beau l'amour, mais comme le chante Claude Nougaro : « Seulement, il y a la vie / Seulement, il y a le temps / Et le moment fatal ou le vilain mari / Tue le prince charmant ». En 2007, Nicolas Sarkozy a conquis les Français mais il a perdu la femme qu'il aimait. Aujourd'hui, la situation paraît inversée. Côté personnel, Carla trouve ses idées fabuleuses et l'amour est au beau fixe. Côté professionel, 54 % des Français sont certains de ne pas voter Sarkozy au premier tour. Et au second tour, Hollande est toujours largement devant.