La croissance 2014 revue en baisse, le déficit en hausse

par Jean-Baptiste Vey et Yann Le Guernigou PARIS (Reuters) - La France a relevé mercredi sa prévision de déficit public pour l'an prochain à 3,6% du PIB pour tenir compte d'un exercice 2013 nettement moins bon que prévu sur le plan budgétaire du fait de prévisions de recettes fiscales optimistes et de coûts imprévus. Les ministres de l'Economie et du Budget ont annoncé que le déficit de 2013 s'élèverait à 4,1% du PIB, au lieu des 3,7% prévus, alors même que la légère amélioration de la conjoncture enregistrée depuis le printemps les a amenés à maintenir la prévision de croissance annuelle de l'économie à 0,1%. Le déficit public représentait 4,8% du PIB fin 2012. Le projet de loi de finances 2014 sera bâti sur une prévision de croissance du PIB de 0,9%. Elle est en repli de 0,2 point par rapport au plan de marche prévu dans le programme de stabilité du printemps, qui prévoyait un déficit à 2,9%. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a évoqué au cours d'une conférence de presse, un "choix de confiance et de prudence" pour cette prévision, proche de celle de 0,8% faite par le Fonds monétaire international début août et qui devra être validée par le nouveau Haut conseil des finances publiques. S'agissant des déficits, il a expliqué que le gouvernement avait choisi pour 2014 de continuer à les réduire tout en s'efforçant de limiter l'effet récessif de cette politique au moment où la croissance repointe son nez. "Nous avons décidé de nous fixer des cibles de déficit qui soutiennent la croissance et donc nous allons continuer de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, en utilisant la souplesse qui nous a été offerte par la Commission européenne", a-t-il dit. 15 MILLIARDS D'ÉCONOMIES L'exécutif européen, qui a engagé depuis 2009 une procédure de déficit excessif contre la France, lui a accordé au printemps un délai de deux ans, jusqu'en 2015, pour le ramener sous 3%. En 2014, la France réaliserait un effort budgétaire de 18 milliards d'euros venant quasi intégralement de la maîtrise des dépenses publiques, sur fond de débat sur le "ras-le-bol fiscal" des Français après deux années de fortes hausses des impôts. Il se traduirait par 15 milliards d'euros d'économies par rapport à la croissance tendancielle des dépenses, dont neuf milliards pour l'Etat et six milliards sur les dépenses sociales, et par trois milliards de hausses des prélèvements provenant pour l'essentiel de la lutte contre la fraude fiscale. Le dérapage de 0,4 point du déficit public prévu pour 2013, soit près de 8 milliards d'euros, s'explique selon le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, par un impôt sur les sociétés inférieur de 4 milliards d'euros aux prévisions et une TVA inférieure d'un milliard du fait de la conjoncture. S'y ajoutent le paiement de 1,8 milliard d'euros de financement exceptionnel au budget européen et 0,6 milliard de reprise d'une dette d'EDF. Malgré cet écart, les ministres ont souligné que l'effort structurel de baisse des déficits devrait s'inscrire cette année aux alentours de 1,7 point de PIB, après 1,2 en 2012, et à 1,0 point en 2014 comme prévu par le programme de stabilité. Ils ont confirmé qu'il n'y aurait pas de hausse de prélèvements obligatoires sur les entreprises en 2014 et que l'augmentation des cotisations prévue par la réforme des retraites serait intégralement compensée. Le rapporteur du budget à l'Assemblée nationale, le député socialiste Christian Eckert, précise dans un communiqué que sur les 4,5 milliards d'euros de recettes ponctuelles prélevées en 2013 sur les entreprises, seules 2,5 milliards seront recherchées auprès d'elles en 2014, et il rappelle qu'elles bénéficieront du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). LE 3% EN 2015 MENACÉ Pour favoriser la relance de l'investissement, le projet de loi de finances engagera d'autre part une réforme de l'imposition des entreprises pour qu'elle pèse moins sur les facteurs de production. Les ménages devront pour leur part absorber l'effet de la hausse de 0,4 point de la TVA déjà votée pour financer une partie du CICE et de la réforme du quotient familial. Le barème de l'impôt sur le revenu sera en revanche réindexé sur l'inflation après deux années de gel décidé à l'origine par Nicolas Sarkozy mais maintenu en 2013 par François Hollande. La suppression de niches fiscales comme l'exonération des cotisations aux mutuelles ou l'abattement pour enfants scolarisés est également prévue, ce qui amène l'opposition à dénoncer la poursuite d'un "matraquage fiscal". "Pour les ménages, le choc fiscal va être trop important", a déclaré à Reuters le président UMP de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, qui chiffre l'addition supplémentaire à 12 milliards d'euros. Le gouvernement souligne de son côté que le budget inclura des mesures de soutien au pouvoir d'achat des bas salaires, sans préciser si elles pourraient intégrer une hausse de la prime pour l'emploi mentionnée récemment dans la presse. Selon Michel Martinez, économiste à la Société générale, "même si les prévisions de croissance du gouvernement nous semblent raisonnables, nous restons prudents sur sa capacité à remplir son engagement de réduire le déficit public à 3% du PIB en 2015, même si le résultat ne sera probablement pas très éloigné". Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse