Affaire Cahuzac: protagonistes et enjeux

Un compte non déclaré à l'étranger, un enregistrement terriblement incriminant, des adversaires politiques, un site d'informations et un ministre star du gouvernement contraint à la démission puis à la contrition: protagonistes et enjeux de l'affaire Cahuzac. LES PROTAGONISTES - Jérôme Cahuzac: l'ex-ministre du Budget, ce chirurgien de 60 ans qui a fait fortune dans les implants capillaires, est finalement tombé face aux accusations d'avoir détenu un compte bancaire en Suisse, portées depuis décembre par Mediapart, ce qu'il a démenti formellement pendant des semaines. Le 2 avril, celui qui s'était posé en adversaire résolu de la fraude fiscale reconnaît avoir menti. - Mediapart: le site d'investigation a dégainé le 4 décembre avec une enquête sur un compte "non déclaré" à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève, dont les avoirs ont été finalement déplacés à Singapour. - Michel Gonelle: le principal élément présenté par Mediapart est un enregistrement que dit détenir, depuis 12 ans, cet avocat, ex-rival politique de Jérôme Cahuzac dans le Lot-et-Garonne. Dans cette conversation, un homme, présenté par Mediapart comme étant M. Cahuzac, évoque son compte chez UBS. "Ca me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques", dit l'homme sur l'enregistrement diffusé par Mediapart et dont l'enquête déterminera qu'il s'agit, sans guère de doute possible, de Cahuzac. - Rémy Garnier: cet ex-agent du fisc a rédigé en 2008 un mémoire accusant Jérôme Cahuzac, entre autres, d'avoir un compte caché en Suisse. - Patricia Cahuzac: selon un détective qu'elle avait embauché, l'épouse du ministre, d'avec qui elle est en instance de divorce, aurait évoqué ce compte. OU EN EST L'ENQUETE? Le parquet de Paris avait ouvert le 8 janvier une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale, afin de vérifier si Jérôme Cahuzac a réellement détenu un compte caché en Suisse. Le ministre avait d'abord salué l'initiative, estimant qu'elle permettrait "de démontrer sa complète innocence". Auparavant, il avait déposé plainte avec constitution de partie civile en diffamation contre Mediapart. Mais loin de le blanchir, l'enquête aboutit à une information judiciaire, notamment pour "blanchiment de fraude fiscale", qui provoque sa démission immédiate, puis sa mise en examen mardi. L'information judiciaire s'intéresse notamment aux "avantages" dont il aurait bénéficié, comme médecin, de la part de laboratoires, comme l'a affirmé un témoin aux enquêteurs qui vont notamment s'attacher à tracer l'origine des fonds. Selon son avocat, "l'essentiel de ses revenus provenait de son activité de chirurgien et, accessoirement", de l'"activité de consultant" de celui qui fut conseiller d'un ministre socialiste de la Santé. UNE CARRIERE POLITIQUE EN LAMBEAUX "Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger. Ni maintenant, ni avant". Par ce démenti solennel, le 5 décembre devant les députés, le ministre s'était privé de toute échappatoire. Dès l'ouverture d'une information judiciaire le 19 mars, François Hollande a décidé de mettre "fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac, à sa demande". Après sa mise en examen, l'ex-ministre s'est excusé auprès de François Hollande, se disant "dévasté par le remords". La présidence, en rapportant fin décembre avoir été contactée par Michel Gonelle et lui avoir recommandé de communiquer ses éléments à la justice, n'avait exclu de facto aucune hypothèse. Reste à démontrer l'impact qu'aura cette affaire sur François Hollande et sur le gouvernement. LE VOLET FISCAL Mediapart affirme qu'une enquête est parallèlement menée par le fisc, qui soupçonne le ministre, selon le site, d'avoir sous-évalué d'au moins 10% le montant de son appartement parisien et pris en compte un prêt parental en fait déjà remboursé.